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Le triptyque de Michiel Coxcie retourne au Sablon

Le triptyque de Michiel Coxcie “Résurrection du Christ et donateurs” a été replacé dans l’église Notre-Dame des Victoires au Sablon, à Bruxelles, après une étude et restauration approfondie à l’IRPA.

Coxcie (1499-1592) est un artiste important au XVIe siècle, prisé des cours. “La Résurrection du Christ et donateurs” est une grande œuvre par sa taille, un panneau central de 197 cm sur 142,8 cm avec deux volets peints, qui est importante dans la biographie du peintre, mais aussi dans l’évolution des matériaux. “C'est une des plus belles œuvres en l'église de Notre-Dame des Victoires au Sablon de celui qu'on appelait à l'époque le Raphaël Flamand”, raconte Daniel van Steenberghe, président de la Fabrique d'Église. “Il révèle une partie de l'histoire qui s'est en grande partie déroulée au Sablon : durant les guerres de religion à Bruxelles, le duc d'Albe a combattu le protestantisme. En réaction, un "Compromis des nobles", une alliance qui voulut adoucir les angles, fut signé au Sablon. Il fut toutefois refusé, ce qui déclencha la guerre de Quatre-Vingts Ans", raconte Daniel van Steenberghe. C'est aussi à côté de l'église sur la place du Grand Sablon que le duc d'Albe a fait pendre les dix-huit signataires. "Ce tableau, qui représente la résurrection du Christ, est donc important au niveau culte, mais révèle aussi toute l’histoire mouvementée du quartier où se situe l'église.”

Le mauvais état de la peinture ne permettait plus de la présenter, car les couleurs étaient décolorées ou très sombres. De plus, sur le revers du panneau central, les traverses étaient bloquées. Les nombreuses campagnes de restauration, plus ou moins grossières, ont fait disparaître la peinture sous des couches de vernis, des surpeints, des retouches et de vieux mastics qui couvraient une grande partie de la couche picturale originale. Dans le passé, les restaurations n'étaient, en effet, pas effectuées comme aujourd'hui. Les moyens n'étaient pas les mêmes. Nathalie Laquiere, qui a coordonné la conservation-restauration, explique : “Au XIXᵉ siècle, les zones claires furent nettoyées, laissant les zones sombres dans leur jus. Le contraste est dès lors plus grand. Les nettoyages furent souvent agressifs et ont endommagé la peinture. On a même retrouvé des trous destinés à fixer temporairement les panneaux. Sans parler des interprétations qui modifient les couleurs.” Aujourd'hui, l'étude par stratigraphie de l'œuvre permet d'éviter ces interpréations erronnées.

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"Les matériaux originaux se sont altérés et ont changé avec le temps. Ils se sont décolorés. Nous tentons donc de nous rapprocher le plus possible de l'original."

Nathalie Laquiere

Coxcie travaillait avec le smalt, un pigment bleu meilleur marché que l'azurite. “Malheureusement, ce verre riche en potassium et en cobalt, broyé pour obtenir cette poudre pigmentaire, était non seulement difficile à travailler, mais, surtout, a tendance à se décolorer”, explique Nathalie Laquiere. “Les couleurs qu'on voit maintenant ne sont donc pas comme à l'origine: le ciel était plus bleu. Sur les volets, les donateurs, Charles Quarré et sa première épouse, Anne Taye, ainsi que leurs enfants, Jean et Anne, ont des habits qui ont également été décolorés: le mélange de laque rouge et de smalt (bleu) devait composer une robe pourpre, mais, aujourd’hui, elle apparaît brune. De même, la veste des deux hommes n'était pas de couleur identique. Celle du fils a été trop agressivement nettoyée dans le passé. On imagine que, lors d’une restauration, la couche de smalt altérée a donc été interprétée erronément comme un vernis et a été supprimée.”

Le processus de restauration consiste à partir de bonnes photos avant restauration. Ensuite vient l’étape d’imagerie scientifique : la fluorescence dans l’ultraviolet permet de voir les différents vernis et retouches récentes; la photographie l’infrarouge permet de voir le dessin préparatoire exécuté par le peintre avant l’exécution picturale ; la radiographie, une méthode non invasive, permet de voir l’état de conservation du support et de la couche picturale. On voit ainsi clairement toutes les lacunes. Enfin, l’examen sous binoculaire nous plonge dans l’histoire des matériaux. Nathalie Laquiere : “On effectue un prélèvement et une étude stratigraphique ‒ une méthode invasive d’analyse des couches d’une peinture ‒ qu’en dernier recours. Après l’étude et l’analyse et avant traitement viennent les éventuelles consolidations là où il y a des soulèvements des couches et puis il y a le travail sur le bois, pour consolider, stabiliser et éviter les tensions. Ensuite seulement commencent les tests de nettoyage. Nous travaillons avec des solvants couche par couche pour arriver progressivement à l’original si, et seulement si, c’est possible. Le processus est long et variable en fonction des zones du tableau. Parfois certaines parties nécessitent des analyses supplémentaires.”

“Ce que nous apprécions avec l’IRPA, c'est non seulement la finesse des restaurations, mais aussi la qualité de la documentation qui accompagne les projets et nous en apprend beaucoup sur notre patrimoine et notre histoire.”

Daniel van Steenberghe

Une restauration est un travail d’équipe. Sous la supervision du responsable de l’atelier de peintures, Livia Depuydt-Elbaum, plusieurs collègues ont aidé au traitement: le Dr Hélène Dubois, et deux stagiaires, Jimmy Bogaerts et Julie Quenet. La polychromie du cadre a été étudiée par la restauratrice-conservatrice Anne-Sophie Augustyniak, et l'étude et le traitement des supports a été pris en charge par Jean-Albert Glatigny, spécialisé dans le traitement des supports bois, il a également étudié un nouveau système d'accrochage de l’œuvre dans l’église. Les restaurateurs ont été soutenus par toute une équipe de scientifiques de l’IRPA : Dr Christina Currie pour la cellule imagerie. Stéphane Bazzo a réalisé la documentation photographique, Sophie de Potter la réflectographie infrarouge, Catherine Fondaire la radiographie, et une étude dendrochronologique a également été effectuée par Dr Pascale Fraiture. Steven Saverwyns s'est chargé de l'étude des couches picturales et du balayage macroscopique par fluorescence de rayons X (MA-XRF). Une collaboration avec l'UAntwerpen a permis d'effectuer une analyse macroscopique par diffraction des rayons X (MA-XRPD). Dans les deux derniers cas, il s’agit d’imagerie chimique, c’est-à-dire des méthodes d’analyse non invasive qui permet d’identifier les pigments. Toutes ces spécialités et compétences sont complémentaires.

La peinture est maintenant retournée au Sablon. Daniel van Steenberghe rend hommage aux autorités de la Ville “qui ont très bien compris que si cette église est un lieu de culte respecté, respectable, c'est aussi un pôle d'attraction culturel qui fait vivre le quartier et une part centrale dans l’histoire de Bruxelles”. L’église est ouverte tous les jours et accueille un demi-million de visiteurs par an. La Région a financé 75 % de la conservation-restauration, le Fonds Baillet Latour 25 % et le Fonds des amis a pris en charge les coûts de déménagement, d’accrochage et d’éclairage.

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