Ville de Mons
Vol spectaculaire et retour en grandes pompes après 38 ans
Dans la nuit du 1er au 2 juillet 1980, un vol spectaculaire a été commis à la collégiale Sainte-Waudru de Mons. Les voleurs y ont dérobé pas moins de 21 pièces, dont une œuvre majeure : une Crucifixion datant du XVIe siècle. Ce tableau, de près de 2 mètres de haut, a été décadré lors du vol ; le cadre est resté jusqu’à ce jour dans la collégiale. Fin août 2017, l’œuvre a été retrouvée par hasard en Italie à la suite d’une arrestation. Début 2018, elle a été restituée à la fabrique d’église dans les locaux de l’ambassade de Belgique à Rome, puis accueillie en grandes pompes à Mons, en mai de la même année.
Série d’examens
Au terme de la première phase de sa restauration, le tableau a été confié à notre Cellule imagerie et notre Laboratoire de dendrochronologie pour y subir plusieurs examens. Interviewée dans l’émission Quartiers d’histoires, diffusée sur Télé MB, notre collègue historienne de l’art Elisabeth Van Eyck livre les résultats de ces recherches : « On a fait appel au laboratoire de dendrochronologie. On a également fait toute une série d’examens d’imagerie scientifique : la réflectographie infrarouge, qui permet de déceler le dessin sous-jacent ; la radiographie, qui permet également d’étudier le support ; et des photos en très haute résolution, qui permettent d’étudier la technique de l’œuvre et d’effectuer des comparaisons stylistiques pour l’étude en histoire de l’art. »
Les premiers examens, notamment l’étude du bois utilisé, permettent de dater approximativement le tableau. Elisabeth Van Eyck : « On a étudié le support en bois et en chêne de la Baltique du tableau, ce qui a permis de donner un terminus post quem à la réalisation et à la confection de l’œuvre. L’œuvre a donc dû être réalisée après 1504. Sur le revers du panneau, on voit bien les cinq planches et surtout des marques réalisées lors de l’abattage du bois et du travail en forêt. » L’étude stylistique complète, quant à elle, les données pour la datation.
On peut le rapprocher de l’école anversoise et des années 1520-1530, notamment par l’emploi des tons acidulés, des déformations au niveau du corps, de l’horreur du vide, du type de composition.
En revanche, le mystère autour de l’identité du peintre reste entier. Elisabeth Van Eyck : « Dans la production anversoise, c’est très difficile d’attribuer une œuvre avec certitude à un artiste. Ce sont plutôt des artistes qui ont un nom d’emprunt, qu’on a donné à partir d’un tableau propre, et on fait des rapprochements stylistiques avec d’autres œuvres. »
Le tableau a aussi fait l’objet d’une réflectographie. Cet examen met en lumière le dessin sous-jacent à la peinture, révélant ainsi quelques surprises. Elisabeth Van Eyck : « On a constaté quelques différences. Par exemple, l’artiste avait initialement prévu une lance, ainsi qu’un groupe de personnages, qu’il n’a pas réalisés au stade pictural. La position de la main de la Vierge a évolué. La paume était à l’origine orientée vers le haut, et non vers le bas. Le nœud a été prévu plus haut au niveau du dessin, et finalement, il a été peint un petit peu différemment. »
Quand on examine le tableau dans son ensemble, on se rend également compte que des personnages ont été rabotés. Elisabeth Van Eyck : « On le voit déjà à l’œil nu, le larron n’est pas complet. On a deux soldats sur le bord qui ont été coupés aussi, ainsi que la sainte femme. La composition était donc plus grande. À partir de ce bord non peint et de sa forme incurvée, on a pu, de façon très hypothétique, proposer un schéma du format original de l’œuvre : un panneau central d’un triptyque avec des volets. Dans ce type de composition, on peut généralement penser qu’il y avait, sur l’un des volets, le Portement de croix et sur l’autre volet, la Résurrection. » Le tableau est actuellement en cours de restauration à l’Artothèque de Mons. Il pourra ensuite resplendir à nouveau dans la collégiale Sainte-Waudru.