Le bassin Art déco de l’Institut de Médecine Tropicale
Devant l’entrée de la clinique de médecine des voyages de l’Institut de Médecine Tropicale trône un mystérieux bassin peu profond. Aujourd’hui vide et à sec, ce pan de patrimoine oublié est un témoin silencieux de l’architecture avant-gardiste Art déco et de l’innovation médicale des années 1920. Grâce au Challenge Patrimoine, cette belle endormie ressurgira des profondeurs du passé pour être restaurée dans son état originel.
L’Art déco, un art salutaire
Le bassin de l’Institut de Médecine Tropicale est l’œuvre de deux jeunes architectes belges, Marcel Spittael et Paul Le Bon, qui ont remporté en 1924 le premier prix du concours pour la construction de l’Institut Provincial d’Hygiène à Anvers. Le complexe a été érigé entre 1925 et 1933 dans l’esprit Art déco. Durant les travaux, on a décidé que l’ancienne École des Maladies Tropicales de Bruxelles, le prédécesseur de l’Institut de Médecine Tropicale (IMT), devait déménager à Anvers. En 1931, l’école s’est vue dotée de nouveaux statuts et, en 1933, de nouveaux locaux ‒ le bâtiment actuel, qui abrite également l’Institut Provincial d’Hygiène.
Mesurant près de douze mètres de long, plus de trois mètres de large et à peine trente centimètres de profondeur, ce monumental bassin, situé au pied de l’Institut, est délicatement orné de carreaux turquoise, de grilles en fonte et de gargouilles, qui témoignent d’une finition soignée. À l’origine, il était également pourvu d’une fontaine et d’un rideau d’eau, d’où l’eau s’écoulait gracieusement le long des grilles.
Le mystère du bassin vide
Une question demeure : à quoi servait à l’époque cet énigmatique bassin ? Était-ce une installation sophistiquée, équipée d’un système de ventilation, spécialement conçue pour le bien-être des patients ? Ou bien n’était-ce qu’un simple élément stylistique, ajouté vers 1930 par le duo d’architectes Marcel Spittael et Paul Le Bon ? Qu’il s’agisse des anciens employés de l’Institut de Médecine Tropicale ou des riverains des quartiers Sint-Andries et Zuid d’Anvers, chacun y va de sa propre interprétation, et les anecdotes les plus diverses vont bon train sur l’origine du bassin, son histoire, sa fonction initiale et son fonctionnement. « Piscine » pour les uns, « bain de pieds » pour les autres ou encore « sanatorium », le mystère du bassin vide reste entier. Pour connaître le fin mot de l’histoire, une campagne ludique sur le thème du patrimoine a donc été lancée en début d’année en collaboration avec les habitants du quartier Sint-Andries.
Des recherches ont révélé que le bassin était relié à un vaste réseau de canalisations traversant l’ensemble de la clinique, grâce auquel de l’air humidifié était aspiré par le rideau d’eau pour être ensuite redistribué dans tout le bâtiment. Il s’agit donc en fait des prémices du système de ventilation moderne, une véritable prouesse technique visant à améliorer à la fois la santé et le confort des patients. Ce bassin est probablement l’un des tout premiers prototypes belges, encore conservés à ce jour, d’une technique de ventilation adiabatique (du grec α (a-) « non », « sans » et διαβαίνειν (diabaínein) « traverser », « franchir »).
Offrez-lui une cure de jouvence
Aujourd’hui à sec et inutilisé, le bassin ne fonctionne plus depuis déjà plusieurs dizaines d’années. Le système de canalisations est endommagé, et le bassin ne peut plus être rempli d’eau car il fuit. L’Institut de Médecine Tropicale souhaite faire restaurer celui-ci et le rendre à nouveau étanche, conformément aux plans d’origine, avant de le faire entièrement recarreler.
Mêlant l’histoire médicale et le passé architectural de la ville d’Anvers, le bassin Art déco témoigne d’un regard novateur sur les soins de santé et la climatisation durant la période de l’entre-deux-guerres. Il offre une bulle d’oxygène dans un écrin de nature, essentielle à une époque où l’eau et les espaces verts sont une denrée rare pour les sociétés urbaines modernes. Plus ce projet recevra un large soutien, plus grandes seront les chances que le bassin bénéficie enfin à son tour d’une cure de jouvence. Votez pour la restauration du bassin Art déco et réveillez l’eau qui dort ! Les eaux calmes recèlent parfois un passé trouble, une histoire profonde qui n’attend que vous pour refaire surface.
Lieu de conservation : Institut de Médecine Tropicale, Kronenburgstraat 43, Anvers
Période de réalisation : 1925-1933
Commanditaire : Province d’Anvers
Architectes : Marcel Spittael et Paul Le Bon
Matériaux : carreaux, fonte, béton, ciment
Propriétaire : Institut de Médecine Tropicale (IMT)
Le Challenge Patrimoine vise à rassembler tous les Belges autour de leur patrimoine afin d’entourer ces trésors culturels des meilleurs soins. Durant ces dix prochaines années, l’IRPA sélectionnera avec vous dix œuvres qui nécessitent un traitement d’urgence. D’ici 2030, nous espérons attirer l’attention sur les joyaux de notre patrimoine et sur l’importance de leur conservation. Donnons ensemble un avenir au patrimoine !
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